Arlette, j’ai raté maman !



Il paraît que tu es partie d’un arrêt cardiaque le 14 février 2017 à Faro au Portugal.

 

Je l’ai appris par mail le 12 mars 2017. C’était un jour sans nuages à l’horizon après que tes cendres furent dispersées dans une rivière de la Drôme que tu chérissais tant. Toi qui affectionnais le terme de « Clan » pour qualifier notre famille « reconstituée », j’aurais aimé penser que tu puisses profiter de cette occasion pour nous ressouder. Je n’ai donc pu t’accompagner vers cet ailleurs qui a paraît-il des bienfaits d’humilité et de pardon, me laissant ainsi définitivement seul avec mes questions qui resteront de mon vivant définitivement sans réponses. Il faut dire que je suis habitué à ce genre de choc pré-mortem. Avec papa, la situation fut identique à quelques lignes scénaristiques près. Comment pourrais-je t’en vouloir ? 



Arlette Buisson - Grand-Bassam © 1963 Collection privée


 Nous nous ressemblions.

 

Nos manques de repères marqués par des unions parentales improbables. Pour toi, l’époque était aussi aux arrangements et les mentalités n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Tu en a souffert dans ta chair et ton esprit avec son lot de blessures d’enfance que tu n’auras jamais su guérir. Belle, perdue et à la recherche d’un père que tu n’as jamais eu, tu es partie à Abidjan exercer ton métier d’enseignante. Tu as croisé Papa malgré une différence d'âge de plus de 20 ans. Un homme rude doté d’une discrétion légendaire plombée par des silences de fond, des sentiments existants mais non exprimés, une force intérieure cachée mais forte et rassurante. Un père idéal ! Il m’a fallu du temps pour comprendre.



Jacques Buisson - Mariage à Daoukro © 1963 Collection privée

 Je n'ai jamais cessé de lutter. Tout s’est enchaîné. Pourtant, il faut continuer. Nous avons tous les deux servi d’alibi. Toi, par ton travail. Moi, par mon héritage. Tu en as nourri des bouches. J’en ai hébergé du monde. Finalement, nous avons vécu seuls pour combler un sentiment profond, celui d’être juste : « Aimer » ! Aujourd’hui, j’ai 59 ans. J’ai décidé de tempérer mes émotions. La vie peut s’interrompre d’une minute à l’autre. Mon thérapeute m’a reconnecté avec cet enfant que je n’ai jamais su écouter et mon toubib est un partenaire de jeu exceptionnel. 

Avec lui, pas de détours : on avance !

 


Thierry Buisson - Grand-Bassam © 1969 Collection privée

Arlette, dis à maman que je ne lui en tiens pas rigueur !



 
Jacques et Arlette Buisson - Mariage à Daoukro © 1963 Collection privée

Dis-lui qu’aujourd’hui, ma vérité s’impose et que pour remède, j’ai choisi l’écriture pour raconter mon histoire. Non, par narcissisme éhonté, mais pour qu’elle serve à ceux qui n’y croient plus et qui s’empêchent ! Une façon de rendre hommage à ma fille, mes familles adoptantes, les amours qui ont traversé ma vie, mes familles scéniques et radiophoniques, et mes ami(e)s pour lesquels je n’ai pas toujours les codes pour leur dire combien je les aime.

Maman, j'ai mis la main sur des photos de toi et de nous avec papa. Celles du début d’une histoire qui avait pourtant si bien commencé.

Je t’embrasse et à la semaine prochaine. 

Ton grand fils !


Crédit photo : Arlette Buisson - Fontainebleau © 1963 Collection privée

 



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