Marylin, n’en aura jamais eu le temps !

 


Marilyn Monroe, 1953 © André De Dienes


Sans faire cas de mon expérience personnelle, il faut parfois une vie pour affronter ses fêlures (souvent liées aux premières années de son enfance) et beaucoup de courage pour pouvoir se dire un jour même dans le dénuement le plus total : « j’ai pardonné, je suis en paix » !

 
Pas simple, mais si salvateur lorsque soudainement la liberté inscrit son nom sur son carnet de route.


Au-delà de sa beauté fantasmagorique et de son charme qui marquent encore aujourd’hui les esprits, Marylin a aussi été une enfant et une femme d’une fragilité insoupçonnable avant que son destin ne l’empêche de les guérir. Par hasard, je suis tombé sur des lettres écrites par Marilyn Monroe à Ralph Greeson, son psychiatre, entre le 10 février et le 5 mars 1961, dix-sept mois avant sa disparition.


Elle est alors en convalescence dans un centre presbytérien de l'université de Colombia, après avoir été internée (contre son gré) à New York, quelques-temps auparavant. Dans ces quelques lignes, elle évoque le Docteur Kris, le directeur de l'hôpital où elle séjourne, et Joe Di Maggio venu lui rendre visite et qui l’accompagnera jusqu’au bout.


Pour ceux qui douteraient de l'humanité profonde et de la fragilité touchante de Marylin Monroe, ces six extraits offrent des lignes d'une intensité si bouleversante.


An evening with Marilyn  © Douglas Kirkland (1961)

« (…) Avez-vous vu « Les désaxés » ? Dans l'une des scènes, vous pouvez voir à quel point un arbre peut m'apparaître étrange et nu. Je ne sais pas si ça apparaît vraiment à l'écran... Je n'aime pas la façon dont certaines scènes ont été montées. Depuis que j'ai commencé à écrire cette lettre, quatre larmes silencieuses ont coulé. Je ne sais pas vraiment pourquoi (…) »


«(…) Il n'y avait aucune empathie à la clinique Paine Whitney, et cela m'a fait beaucoup de mal. On m'a interrogée après m'avoir mise dans une cellule (une vraie cellule en béton et tout) pour personnes vraiment dérangées, les grands dépressifs, (mais j'avais l'impression d'être dans une sorte de prison pour un crime que je n'avais pas commis). J'ai trouvé ce manque d'humanité plus que barbare. On m'a demandé pourquoi je n'étais pas bien ici (tout était fermé à clefs : des choses comme les lampes électriques, les tiroirs, les toilettes, les placards, il y avait des barreaux aux fenêtres... les portes des cellules étaient percées de fenêtres pour que les patients soient toujours visibles, on pouvait voir sur les murs des traces de la violence des patients précédents). J'ai répondu : "Eh bien, il faudrait que je sois cinglée pour me plaire ici." Puis des femmes se sont mises à crier dans leur cellule, enfin j'imagine qu'elles hurlaient parce que la vie leur était insupportable. (…)»


« (…) Enfin, les hommes cherchent à atteindre la lune mais ils n'ont pas l'air très intéressés pas le cœur qui bat de l'être humain. Quand bien même on pourrait changer, on peut ne pas le vouloir. A propos, c'était le thème des désaxés, mais personne ne s'en est rendu compte. J'imagine que c'est sans doute à cause des modifications du script et des changements imposés par la mise en scène. (…) »


« (…) Je sais que je ne serai jamais heureuse, mais je peux être gaie ! Vous vous rappelez que Kazan prétendait que j'étais la fille la plus gaie qu'il ait jamais connu, et croyez-moi il en a connu beaucoup ! Mais il m'a aimée pendant un an et, une nuit où j'étais très angoissée, il m'a bercée jusqu'à ce que je m'endorme. Il m'avait aussi conseillé de faire une analyse et plus tard il a voulu que je travaille avec son professeur, Lee Strasberg. Est-ce Milton qui a écrit : « Les gens heureux ne sont jamais nés. » ? Je connais au moins deux psychiatres qui cherchent une approche plus positive des choses. (…)»


Marylin Monroe in New York © Ed Feingersh 4 (1955)


«(…) Le directeur de l'établissement, qui ressemblait à un principal de collège, même si le Dr Kris l'appelle "administrateur", m'a interrogée en se prenant pour un analyste. Il m'a dit que j'étais une fille très très malade et que j'étais comme ça depuis des années. Cet homme méprise ses patients et je vous dirai pourquoi dans un moment. Il m'a demandé comment je pouvais réussir à travailler dans un état aussi dépressif. Il voulait savoir si cela avait des conséquences sur mon jeu et il m'a posé cette question sur un ton assuré et définitif. En fait, il présentait cela comme un fait plutôt qu'une possibilité, aussi lui ai-je fait remarquer que Greta Garbo et Charlie Chaplin et peut-être aussi Ingrid Bergman avaient parfois travaillé alors qu'ils étaient en dépression. Je lui ai d'ailleurs dit que cela était aussi stupide que d'affirmer qu'un joueur de baseball comme Di Maggio ne pouvait pas frapper une balle lorsqu'il était déprimé. C'est absolument ridicule. (…) »


« (…) Pour Noël, il m'a envoyé un champ entier de poinsettias. J'ai demandé qui me les avait envoyés tellement j'étais surprise (mon amie Pat Newcomb était là quand on me les a apportées). Elle m'a dit : "Je ne sais pas trop, la carte dit juste : "MEILLEURS VOEUX JOE"". Je lui ai répondu "Il n'y a qu'un seul et unique Joe." Comme c'était le soir de Noël, je l'ai appelé et je lui ai demandé pourquoi il m'avait envoyé les fleurs. Il m'a dit : "D'abord, parce que j'ai pensé que tu me téléphonerais pour me remercier, et puis qui d'autre pourrait bien t'en envoyer ? Tu n'as que moi au monde." Il a ajouté : "Je sais que quand j'étais marié avec toi, je n'ai jamais été embêté ni jamais vu la moindre belle-famille". Bref, il m'a proposé de prendre un verre avec lui un de ces jours. Je lui ai fait remarquer qu'il ne buvait jamais. Il m'a dit que maintenant il buvait de temps en temps, alors je lui ai dit que j'étais d'accord, à condition d'aller dans un endroit très très sombre. Il m'a demandé ce que je faisais pour Noël ; je lui ai dit : "Rien de spécial, je suis avec une amie". Il m'a demandé s'il pouvait passer. J'étais heureuse qu'il vienne, même si je dois dire que j'étais déprimée et que je pleurais sans arrêt, pourtant j'étais tout de même ravie de son arrivée. Je pense qu'il vaut mieux que je m'arrête là parce que vous avez sûrement d'autres choses à faire. Merci de m'avoir écoutée un moment. (…) »


Le 5 août 1962, la vie de Marilyn Monroe s’éteint.


Thierry Buisson













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