Le dernier tango des "sans l'autres"


 

Une célébration qui exclut les « Sans l’autre », ceux qui ne manqueront pas ce soir-là d’arpenter les quais d’arrière gare des affectés ruminant leurs souvenirs vagues de repas amoureux pris dans l’ombre de la passion. Très loin tout ça ! Pour ne pas les oublier et me porter en ardeur défenseur de cette catégorie solitaire démunie de toute complicité providentielle, voici un texte revisité écrit il y a un peu plus d’un an. L’occasion pour moi de rendre à MARIA SCHNEIDER, disparue à l’âge de 58 ans il y a quelques jours, l’hommage qui lui est dû. Elle qui, à l’âge de 19 ans se compromettait à grands coups de sodomites avec un MARLON BRANDO lubrique dans le DERNIER TANGO A PARIS. Je ne le considère pas comme le chef d’œuvre cinématographique que l’on a bien voulu lui donner, mais ce film reste un succès incontestablement polémique des années 70. Dansez, maintenant dans les pas d’un tango, le dernier, celui des « Sans l’autre ».


« Sans l'autre » : personne démunie de toute proximité sentimentale et (ou) provisoire, temporaire, volontaire ou définitive. Synonyme : « Les Tous Seuls ».


Dandinez !

Valentine, je vous matte !
J'aime ce mot : dandiner. 
C'est érotique une femme qui dandine.
C'est très sexuel aussi, ce balancement des hanches que prolongent de longues jambes dessinées lorsque les talons claquent le bitume. Le dandinement évoque chez moi de bienfaitrices et permanentes inspirations qui ne transparaissent pas chez moi, uniquement le 14 Février. Cette année, elles ne se manifesteront d'ailleurs que dans mon imagination. C'est moins ludique, certes. Mais je suis en paix avec mes convictions. Je hais la St Valentin.

Comment peut ont considérer cette pseudo Valentine comme une femme amoureuse, elle qui impose chaque année son dictat du cœur aux « Sans l'autre ». S'attaquer à la Saint Valentin, c'est perturber les projets de ceux qui contestent son inutilité. Sur le fond, je n'ai pas de souci s’il n’est pas percé. Seule, la forme est indigeste. Un peu de pudeur et d'éducation, merde ! Quelle est cette manie des nantis de l'amour de montrer d’un doigt dénonciateur les «Sans l'Autre », la culture de l'alibi en bandoulière. Si tu ne veux pas passer la nuit sur le canapé, ton membre derrière l'oreille camarade, honte à toi, pourvu d'amour, si tu oublies ce jour ! Le reste de l'année on s'en tape mais le 14 février, c'est inévitable. «Tous seuls» et «Sans l'autre», levons nous ! Luttons contre cette puanteur commerciale qui inhibe toutes velléités romanesques inspirées, et célèbre une fois l'an, le devoir suranné du «Je t'aime». Brisons cet artifice qui rassure les nantis de l'amour et ridiculise les «Sans l'autre» avant de les atomiser sans complexe sur le mur des incantations, confortés qu'ils sont de ne pas être des vôtres. Cassons ces remarques blessantes, ces réflexions désobligeantes très indigestes et impudiques qui sont des armes redoutables pour rappeler aux «Tous seuls», combien ils le sont ! Enfin, gardons le sourire car leur sens de l'humour n'a pas d'équivalence dans le comique de situation, lorsque leurs doigts vous montreront le chemin des chiottes, le rouleau de papier à la main ! Eh oui, la Saint Valentin c'est aussi le sexe comme le disent tous les magazines.  La veuve poignet des «Sans l'autre» se transcendera pour l'occasion comme pour soulager leurs âmes et malmener leurs vieux souvenirs d'un 14 février, sans l'ombre d'une joute. Dommage, douces tentatrices. Cette année vous ne m'aurez pas. Je suis fidèle à mes poignets. 

Puis moi, mes amours, je vous aime depuis toujours à toute heure et toute l'année. Même la nuit, entre trottoirs et gares des affectés. Ce n'est pas la Saint Valentin qui changera, cela. Je materai donc, ce 14 février, pour conjurer le sort l’œuvre cinématographique glissante de MARCO BERTOLLUCI : «Le dernier tango à Paris» ! D'abord, parce que j'aime le beurre et ensuite, parce que le dandinement et la souplesse de MARIA SCHNEIDER n'ont pas d'équivalence dans le 7ème Art. J'aime l'histoire de ce cadra dévasté par le suicide de son épouse qu'il n'a visiblement jamais pris le temps de connaître, ni de comprendre, confronté à cette jeune femme de 20 ans sa cadette solaire, curieuse, fraîche, vive, fille de colonel en phase de rupture. Il y a aussi dans ce film, ce contrat tacite que s'imposent les deux protagonistes qui ne chercheront ni à connaître leurs noms, ni l'histoire de l'autre, centrant leur relation sur la simple découverte de la danse des corps, l'étreinte originelle, la fusion sexuelle, avant que tout ne s'emballe et ne se déploie comme une valse macabre, une énergie du désespoir. Ce duo impossible, infaisable, n'est pas un couple. Il représente deux protagonistes pris dans un tourbillon de luxure dangereux et désespérément voué à une issue improbable que vilipenderont les âmes prudes choquées par tant de débauches et de beurre usité. J'aime ce film parce qu'il rompt avec les repères sociétaux classiques et pour la relation de tension qui règne entre la belle et la bête lubrique d'un MARLON BRANDO inspiré. Il y a aussi le parfum de scandale qui l'accompagne avec ses scènes érotiques jugées pornographiques en Italie, qui finît par l'interdire, et cette notion philosophique sous-jacente que semble dévoiler BERTOLUCCI dans son film et pour qui faire preuve de douceur en amour, c'est utiliser du beurre pour sodomiser sa compagne. Oui, c'est brutal. Même si, je pense qu'il ne faille pas gâcher la nourriture, le propre de l'artiste n'est-il pas d'interpeller ? 

Enfin, il y a l'éclairage, l'esthétisme, la photographie et le montage qui crée le style BERTOLUCCI au travers de cette atmosphère spécifique qui règne sur la pellicule et dans cet appartement avide de sens. Ce film n'est pas un chef d'œuvre mais il interpelle au rythme des scènes qui vacillent effectivement aux rythmes d'un tango. Impossible de ne pas faire le lien entre l'histoire de son film et le titre proposé. Le tango est une danse rebelle, provocatrice, régulièrement associés aux lupanars et autres bordels, explicitement érotique, voir obscène, née dans les quartiers populaires argentins du 19ème siècle. Elle symbolise tout ce que le corps peut dire de colère et de révolte lorsque le discours ne sert plus à rien, comme si la porte d'une liberté plus ou moins consentie pour accéder au nirvana du summum s'ouvrait aux audacieux qui ne se posent pas de questions pour côtoyer cette interpénétration entre le bien et le mal qui bénéficie de ses vertus jouissives. Trop compliqué pour un 14 Février ! Trop risqué pour la galerie. Une rose ou un bijou cœur, un tête à tête au Buffalo Grill ou le dernier disque de STANISLAS, c'est mieux.

Je ne trouve pas ce film d'une obscénité sans fin, ni gratuitement provocateur. La Saint Valentin, si ! Voilà, pourquoi, je regarderais le 14 février «Le dernier Tango à Paris», assis dans mon canapé, une motte de beurre à proximité pour tartiner mes humeurs. A la dernière ligne du générique, avant de fermer la porte des chiottes et celle de mes yeux esseulés, je repenserai au film dans l'espoir de me lancer à nouveau demain dans une quête d'identité féminine surprenante pour me redécouvrir et me débarrasser pour toujours de cet air lancinant et nostalgique qui me donne des migraines : «Le dernier Tango des « Sans l'autre »»

Tous droits réservés - Thierry BUISSON @ TB nouvelles 2010 

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